Le déconfinement «va se faire au prix de nombreuses vies humaines», alerte un chroniqueur économique
Dans son billet de blogue économique « Le choix tragique de François Legault » sur le site des Affaires, le chroniqueur et conférencier Olivier Schmouker a soulevé des préoccupations importantes alors que le Québec s'apprête à se déconfiner.
Le déconfinement « va fort probablement se faire au prix de nombreuses vies humaines. Un prix tel que, s'il était divulgué au grand public, nombre de boucliers se lèveraient aussitôt dans la société québécoise », a-t-il lancé dès le début de son texte coup de poing.
Olivier Schmouker explique dans son texte que le premier ministre du Québec, François Legault, a montré en conférence de presse un graphique qui montre la « courbe du nombre cumulatif de décès selon le milieu de vie au Québec ». On y voit une courbe très prononcée qui correspond aux décès dans les CHSLD et les résidences pour aînés puis une autre, qui semble sous contrôle, qui correspond aux décès à domicile et ailleurs.
« On voit que la seconde courbe est relativement faible et très stable depuis 14 jours, avec une moyenne de 8, 9, 10 décès par jour. C’est ce plateau qui nous permet de dire que la situation est sous contrôle en dehors des CHSLD », avait affirmé François Legault dans son point de presse.
Voici le graphique qu'il a présenté :
Voici un graphique du nombre de d\u00e9c\u00e8s dans les r\u00e9sidences de soins de longue dur\u00e9e, en bleu, et le nombre dans le reste...Posted by Fran\u00e7ois Legault on Tuesday, April 28, 2020
Mais selon le « Nombre cumulatif de décès selon le milieu de vie au Québec (données extraites le 27 avril à 18h) » publié par l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), il n'y a pas du tout de plateau.
« Le nombre de morts liés à la COVID-19 en dehors des CHSLD et des RPA va croissant de manière régulière depuis le début de la pandémie. La "moyenne de 8, 9, 10 morts par jour" a pris fin le 7 avril très précisément. Depuis cette date-là, les chiffres quotidiens sont tous supérieurs à 10. Je souligne : tous, ou presque (à l’exception du 20 et du 27 avril). En vérité, il y a des hauts et des bas, si bien qu’il n’est pas judicieux de parler de moyenne d’un point de vue statistique dans ce cas précis. Par exemple, le 25 avril, il y a eu 13 décès, la veille 23 décès, le jour d’avant 11 et celui d’avant 17 », a expliqué Olivier Schmouker.
Voici le tableau de l'INSPQ :
Le chroniqueur souligne que François Legault avait expliqué avoir « nettoyé de tout biais » ces statistiques.
« Je ne vois pas comment on en arrive à une moyenne de "8, 9, 10 morts par jour" avec des chiffres comme 13, 23, 11 et 17, même si ceux-ci sont "nettoyés". Je ne vois vraiment pas », insiste Olivier Schmouker.
Mais le chroniqueur a ajouté que, même si un expert l'appelait pour expliquer qu'on était bel et bien sur un plateau depuis 14 jours, cela ne suffirait pas.
« Pourquoi ça? Parce que le simple fait d’être sur un plateau ne justifie pas une relance de l’économie. Non, ce qu’il faut, c’est avoir dépassé le plateau, c’est voir le nombre de décès se mettre à chuter de manière durable », a martelé Olivier Schmouker.
Pour justifier qu'il n'est pas alarmiste ,le chroniqueur a sorti les projections de l'INSPQ face au déconfinement du gouvernement Legault.
Deux scénarios sont présentés : un optimiste et un pessimiste qui se basent tous les deux sur les contacts entre les gens.
« Selon le scénario pessimiste, il y a un risque d'accroissement rapide des nouveaux cas et des nouveaux décès », souligne l'INSPQ.
Olivier Schmouker a donc fait le constat que « Legault et Arruda, ainsi que leurs conseillers, savent que la relance de l’économie se fera au prix de vies humaines. Un coût qui ira croissant à mesure que la relance s’activera ».
Le chroniqueur a souligné que le Dr Horacio Arruda a lâché en point de presse : « Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’économie, l’argent, ce sont aussi des déterminants de la santé publique ».
Olivier Schmouker a expliqué qu'aux yeux du directeur national de la santé publique, « on ne peut pas se contenter de ne considérer que les vies humaines. Qu’il nous faut avoir une vision plus large. Qu’il nous faut voir le collectif, pas seulement les cas particuliers. Que l’économie, l’argent, ça entre dans la balance. »
« François Legault a fait le choix d’atténuer la récession économique dans laquelle nous nous trouvons et dans laquelle nous nous retrouverons assurément jusqu’à la fin de 2020. Quitte à en payer un prix certain en vies humaines. C’est là son choix. Un choix tragique. Un choix que la décence voudrait, je pense, qu’il soit totalement assumé par le premier ministre, par exemple en présentant sans attendre les projections fournies par ses experts sur ce point précis. En toute transparence », a insisté le chroniqueur.
« Cela permettrait aux Québécois d’être mieux informés sur le pour et le contre de la relance économique actuelle, entamée seulement un mois et demi après la décision de confiner tout le monde chez soi. Cela leur permettrait de se prononcer sur le choix fait par le premier ministre. Oui, cela leur permettrait de dire haut et fort s’ils sont d’accord avec l’idée qu’une PME vaut plus qu’une vie humaine », a-t-il ajouté.
« François Legault a terminé sa conférence d’hier par un mot : "Courage!" Prenons-le au mot, et invitons-le à montrer l’exemple, en jouant carte sur table, en explicitant son choix - je le souligne - tragique », a martelé Olivier Schmouker.
Lisez le texte complet d'Olivier Schmouker.
Source: Les Affaires · Crédit Photo: Adobe Stock