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«Si j’avais pu être auprès de ma mère, elle ne serait pas morte de déshydratation»

Par NTD

Depuis le début de la crise de la COVID-19, on parle beaucoup des CHSLD, mais qu'en est-il de ceux et celles dont les parents se trouvent dans ces établissements? Une femme qui se dit très préoccupée par l'état de sa mère a décidé de briser le silence.

Nicole Jaouich a accordé une entrevue à La Presse dans laquelle elle a confié que sa mère était désormais à l'article de la mort. Selon ce qu'a révélé Nicole, l'état de santé de sa mère Hilda Zlataroff, une femme de 102 ans, s'est gravement détérioré depuis le début des mesures de confinement. Alors que Mme Zlataroff a souffert d'une grave déshydratation, elle se trouve présentement à l'article de la mort: "Je vous garantis que si j’avais pu être auprès de ma mère, elle ne serait pas morte de déshydratation. [...] Ma mère, il faut toujours l’encourager à manger. Il ne faut pas la brusquer. On peut lui dire des choses comme : “Ça ne te tenterait pas de boire un bon petit jus ?” Ça lui prend de la chaleur humaine."

Avant le début des mesures de confinement, Nicole veillait constamment sur sa mère et il arrivait à l'occasion qu'une dame de compagnie prenait la relève afin de l'aider: "Ma mère avait quelqu’un avec elle environ huit heures par jour en moyenne. En étant présente, j’étais vigilante. Je remarquais les changements. J’observais ma mère et je le signalais quand ça n’allait pas."

Les choses ont malheureusement pris une autre tournure depuis le début de la crise et comme l'a expliqué Nicole, celle-ci est désormais impuissante quant au traitement réservé à sa mère: "Ma mère, on peut mettre des verres devant elle. Mais elle ne voit pas ! Si on ne l’aide pas, elle ne les prend pas parce qu’elle ne voit pas. [...] Le personnel était complètement débordé. Plus que d’habitude. Quand on appelait, on voyait qu’on dérangeait parce qu’il avait à faire."

Comme Nicole peut surveiller sa mère grâce à une caméra qui a été placée dans sa chambre, elle a remarqué dimanche dernier que sa mère était dans un état encore plus préoccupant qu'au cours des derniers jours. Après avoir signalé la situation au coordonnateur du CHSLD, elle a été invitée à rendre une très courte visite à sa mère: "En la voyant, j’ai eu le cœur broyé de la voir si amaigrie. Affaiblie. Elle avait la respiration rapide. Je lui ai parlé. Je lui ai dit que je ne l’abandonnerais pas. Je lui ai dit de se reposer. Qu’elle avait été très courageuse. Qu’elle pouvait aller rejoindre mon père et ses proches. Je lui ai fait mes adieux."

Le lendemain, un médecin contactait Nicole pour l'informer de très mauvaises nouvelles: "On m’a dit que ma mère était complètement déshydratée et que son taux de sodium était très élevé. Que ses reins ne fonctionnaient presque plus."

Enfin, alors que Nicole se prépare à apprendre le décès de sa mère d'un jour à l'autre, elle sait qu'il lui faudra beaucoup de temps avant d'arriver à digérer cette situation très éprouvante: "Ma mère souffre. Elle ne termine pas sa vie sereinement. Les gens ont le temps de lui humecter les lèvres juste une fois par jour… [...] Je ne pardonnerai jamais au gouvernement d’avoir interdit la visite des proches aidants. Il savait que le réseau n’avait pas les bras dont il avait besoin. On a laissé entrer n’importe quel employé. Une journée, ils allaient dans un site infecté. Le lendemain, ils venaient ici. Pourquoi n’a-t-on pas plus intégré les proches aidants ?"

Source: La Presse · Crédit Photo: Courtoisie