« Coucou Jean-François Copé, l’homme qui pensait qu’un pain au chocolat coûte 15 centimes !” » Le texte de ce médecin généraliste est en train de faire le tour …
Baptiste Beaulieu est médecin généraliste et écrivain. Sur sa page Facebook, sobrement intitulée « Alors Voilà », qu’on ne peut que vous conseiller de suivre, il fait part de son quotidien, de ses coups de gueule, mais aussi des petites anecdotes et autres rencontres, souvent touchantes, liées à son métier.
Aujourd’hui, l’un de ses posts est en train de devenir viral sur les réseaux sociaux, au point d’être massivement partagé depuis ce matin.
Il s’agit d’un texte qu’il avait écrit il y a déjà quelques temps, relatant sa rencontre avec un vieil homme venu consulter dans son cabinet. Il a décidé de le republier lorsqu’il a entendu à la radio Jean-François Copé évaluer le prix des pains au chocolat à un prix situé « entre 10 et 15 centimes ».
Ce même Jean-François Copé qui avait qualifié les manifestants de Nuit debout de «tellement pathétiques […], tellement déconnectés de la réalité » (SIC).
Selon des propos rapportés par Rue89, Baptiste Beaulieu a « trouvé qu’il y avait un contraste terrible entre la précarité de cette consultation et ce qu’[il] avait entendu à la radio. Cela [l’a] mis en colère et [il] a eu envie de remanier ce texte. »
Voici le texte en question :
» Coucou Jean-François Copé, l’homme qui pensait qu’un pain au chocolat coûte 15 centimes ! Coucou !
Je m’appelle Baptiste, je suis médecin généraliste et, l’été dernier, j’ai vu en consultation un vieil homme. Il ne payait pas de mine. 80 ans bien tassés. Il vient pour un renouvellement, trois fois rien. On parle un peu lui et moi. HAD, FNASS, SSID, bla-bla-bla, on se perd dans les acronymes. En gros, il s’occupe de son épouse en fin de vie. 40 ans de vie commune. Ils touchent une petite retraite, tous les deux. C’est trop pour la CMU, pas assez pour offrir un cadeau à leur petit-fils à Noël. Il me dit ça en triturant un trou dans sa veste. Il touchait une aide spéciale pour les changes de son épouse, mais le gouvernement l’a supprimée. Alors il se débrouille : il met des chiffons dans la culotte, qu’il nettoie ensuite.<< Mais ce n’est pas efficace comme des vraies couches. C’est ma femme, et lui faire « ça » avec « ça », c’est pas bien, non, c’est pas bien. >> qu’il dit en secouant la tête.
Cela dure un 1/4 de seconde, mais je le vois, moi : le regard du vieux se trouble. IL SE TROUBLE. Je l’entends murmurer :
<< Je me sens indigne. >>
[…]
Finalement, ce patient s’en va. Le suivant me pose un lapin. 15 minutes de rab’. Je surfe sur le net en attendant. Tombe sur des articles qui parlent voyage ministériel à 14 000 € pour un « match de foot à Berlin » (coucou Manuel Valls), note de taxi à 400 000 € pour une responsable culturelle (coucou Agnès Saal). Ça se gave bien, en haut lieu, ça se gave bien. Et la voix du vieux revient, elle résonne entre les 4 murs du cabinet, elle chevrote.
<< Je me sens indigne. >>
J’ai comme un haut le coeur tout à coup et je m’entends penser : « Putain de merde, Baptiste, on vit quand même dans un monde sacrément violent. »
Chaque jour passe et, chaque jour, je vieillis dans ma tête. Si vous saviez comme je suis en colère et comme je suis vieux… Parfois, j’ai comme des envies de casser le monde. J’espère que j’arriverai à toujours vous raconter des histoires drôles. Des histoires sans violence, des histoires sans colère.