Un policier du SPVM fabrique un faux mandat en se servant de la signature d'une juge
Une histoire digne de la série District 31 implique un policier de Montréal qui s'est servi de l'étampe et de la signature d'une juge à son insu dans le but de fabriquer un faux document judiciaire. La nouvelle plutôt surprenante a été dévoilée par le Bureau d'enquête du Journal de Montréal.
C'est dans le jugement de la cause de Frédérick Silva, un tueur travaillant pour le crime organisé, qu'il a été révélé qu'un policier avait produit un faux document judiciaire.
Comme l'a expliqué le Bureau d'enquête du Journal, le jugement du juge Marc David, qui a été rendu à l'été dernier et qui était jusqu'ici frappé d'un interdit de publication, révèle que l'agent Guillaume Joly-Tessier, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), aurait utilisé une fausse autorisation judiciaire (ou mandat) pour contraindre un témoin à collaborer à son enquête.
Le jugement indique que c'est en date du 15 février 2019 que l'agent Joly-Tessier s'est rendu au palais de Justice de Montréal avec l'intention de faire signer son faux mandat par la juge de paix Josée de Carufel, or celle-ci aurait refusé de le faire en l'avisant qu'il devrait utiliser une autre procédure.
Le juge Marc David a expliqué dans son jugement: «À un certain moment de la rencontre, la juge s'absente de son bureau. L'agent Joly-Tessier prend alors l'étampe judiciaire de la juge qui se trouve sur son bureau et étampe la fausse autorisation judiciaire. »
Toujours selon ce qu'a rapporté le juge Marc David, le policier aurait ensuite quitté le palais de justice pour aussitôt procéder à une opération de «bricolage». Le juge a expliqué: «Pour ce faire, il découpe la signature de la juge provenant d'une autre autorisation judiciaire qu'il avait en sa possession. Il colle ensuite la signature sur l'autorisation sur laquelle il avait apposé l'étampe de la juge. Pour terminer, il ajoute un numéro de mandat inventé à l'endroit approprié et fait une photocopie du document afin que celui-ci ait l'air crédible. »
Me Danièle Roy, l'avocate de la Défense, a réclamé l'arrêt des procédures contre son client, mais sa demande a été refusée. Le juge Marc David a précisé dans son jugement: «Le requérant plaide que l'utilisation de l'étampe de la juge de paix par l'agent Joly-Tessier constitue un vol. Or, même en acceptant cette prémisse, le Tribunal estime que le geste posé par l'agent Joly-Tessier ne peut être qualifié d'abus de procédure dans le cadre précis du présent dossier. »
Selon le juge David, «sans diminuer le caractère répréhensible du geste posé par l'agent Joly-Tessier», il estime que le policier «n'était animé d'aucune intention malveillante (...) lorsqu'il subtilise l'étampe de la juge de paix à son insu».
Le juge a conclu son jugement en faisant remarquer que même s'il considérait comme étant «préoccupant» le fait que «la police emprunte l'autorité d'un juge», ce moyen d'enquête lui semblait justifiable dans de telles circonstances: «Les crimes qui font l'objet [de cette] enquête sont les plus graves du Code criminel. Ils sont commis en continu durant la cavale du requérant et dans des circonstances qui mettent la sécurité du public en danger. Fabriquer et utiliser un 'faux' document (...) est donc un acte proportionnel aux crimes qui font l'objet d'une enquête.»
Fait surprenant, une procédure qui est régie en vertu de l'article 25.1 du Code criminel et qui est en vigueur au Canada depuis 2002 à la suite de l'adoption de la loi C-24, autorise les policiers à commettre certains actes qui, autrement, seraient de nature à constituer une infraction criminelle.
Cette procédure concerne l'exécution de certains moyens d'enquête et les policiers la surnomment «C-24».
L'état-major d'un corps de police peut l'autoriser sans devoir passer par le tribunal.
Source: TVA Nouvelles